Dans le mormonisme, la famille tient un rôle central et notre œuvre sur la terre est centrée sur la création de familles éternelles en faisant et gardant des alliances avec le Sauveur. Cependant, lorsque l’on parle du cœur ou du centre de la famille, on fait principalement référence aux « mères. » Un des sujets récurrents à la primaire, aux jeunes filles et plus tard dans les leçons et discussions à la société de secours, est l’importance de se préparer à être « une bonne mère. »

Quand nous parlons de « bonnes mères » dans l’Eglise, c’est souvent des histoires sur ce qu’elles ont sacrifié, comme par exemple les femmes qui ont enterré leurs enfants en venant vers l’ouest, ainsi que leur peines et souffrances fréquentes (comme dans le discours d’Elder Holland, « Voilà ta mère. ») Ces thèmes s’accordent avec les études faites sur la famille qui soulignent le paradoxe d’être parents, bien que ce soit l’un des aspects les plus gratifiants de la vie, c’est aussi associé avec plus de stress, d’insatisfaction et même à la dépression.

Malheureusement, il s’avère que beaucoup de ces croyances sur ce qu’est être une « bonne mère » entraînent une mauvaise santé mentale chez la mère. Quand j’ai commencé à lire les résultats d’une étude publiée dans The Journal of Child and Family Studies qui suggère cinq croyances spécifiques sur ce qui définit une bonne mère : l’essentialisme, l’accomplissement, la stimulation, le challenge, et tout tourne autour de l’enfant sont associées avec une pauvre santé mentale parmi les mères de jeunes enfants, je me suis dit,

« ces croyances sont alignées avec la façon dont nous, aux Etats-Unis et dans la culture Mormone, définissons ce qu’est une bonne mère ! »

Je ne peux pas m’empêcher de me demander si en insistant sur le fait que la maternité définit la vie des femmes, nous ajoutons un peu plus de l’huile sur le feu (je ne m’oppose pas à ce que disent les dirigeants et je ne dis pas que la maternité n’est pas importante, ce qui me préoccupe, c’est l’approche trop extrême qui en retour a des répercussions négatives sur la santé mentale de la mère.)

En gardant en tête les résultats de cette recherche, je voudrais explorer plus en détails nos idées culturelles sur la maternité, ainsi que proposer des suggestions sur ce que nous pouvons faire pour changer ces idées de façon à mieux soutenir le bien-être mental et émotionnel des femmes.

La mère est le parent le plus important (l’essentialisme)

Nous entendons souvent dire par les dirigeants de l’Eglise que c’est l’influence de la mère lors des premières années de la vie qui forge le caractère de l’enfant. Bien que cela ne soit techniquement pas faux, je voudrais ajouter que c’est une description incomplète. Il est vrai que les mères passent plus d’heures par jour avec leurs enfants que les pères (surtout quand ils sont très jeunes) et pourtant, pour moi, cela ne veut pas dire que la mère est plus importante, qu’elle est le parent « essentiel », mais plutôt que les enfants ont besoin des deux parents. En effet, il y a de plus en plus de preuves que les enfants qui passent du temps avec leur père réussissent mieux dans le domaine social, économique, financier et dans une myriade d’autres domaines. Ce n’est pas un secret et pourtant nous avons toujours tendance à souligner l’importance de la mère par rapport à celle du père dans la famille. Dans notre conversation culturelle mormone, nous pouvons faire mieux en parlant des hommes non seulement en termes de leur prêtrise mais aussi de leur attachement et leur engagement envers leurs enfants.

Heureusement, il y a des signes qui montrent que nous faisons des progrès et parlons davantage du rôle crucial des pères. J’ai été touchée par le discours de présidente Bonnie Oscarson intitulé « Défenseuses de la déclaration sur la famille » dans lequel elle appelle à la « hauteur des rôles divins des mères et des pères et d’encourager nos enfants à être parents (et pas seulement nos filles à devenir mères). Il était temps d’entendre parler du rôle du père et de la mère du haut du pupitre. De même, le discours d’Elder Christofferson « Pères » m’a donné de l’espoir. Nous avons entendu de nombreux discours sur le rôle de la mère et un discours centré particulièrement sur l’influence et le besoin d’engagement des pères a été apprécié.

Le bonheur de la mère doit découler principalement de ses enfants (l’accomplissement)

J’éprouve beaucoup de joie et d’accomplissement dans ma relation avec mes enfants… et je trouve aussi de la joie dans beaucoup d’autres domaines. Je me sens épanouie dans mes relations avec des adultes, à travers mon expression personnelle et ma créativité et l’activité physique. En toute honnêteté, en 25 ans passé à éduquer des enfants, il y a eu des moments qui m’ont apporté plus de frustration que d’épanouissement.

Quand nous nous attendons à ce que nos enfants soient notre seule source de bonheur et d’épanouissement, nous leur mettons beaucoup de pression pour « bien se comporter », « devenir quelqu’un » spirituellement, d’exceller à l’école et dans d’autres domaines. Ce n’est pas à nos enfants de nous rendre heureuses ! Personne ne peut vous rendre heureux. S’ils le pouvaient, ils auraient aussi le pouvoir de vous rendre malheureux de par leurs mauvaises décisions et leurs mauvais comportements. Evidemment, nous sommes tristes lorsque nos enfants souffrent, et nous sommes heureux lorsqu’ils prennent de bonnes décisions, mais au final, le bonheur est un choix.

Je voudrais qu’on parle plus souvent de la réalité d’être mère, que l’on reconnaisse ouvertement que l’éducation des enfants a ses hauts et ses bas, ses moments de tristesse et de joie. Je voudrais voir plus de femmes passer du temps à faire ce qu’elles aiment pour retrouver de l’énergie (surtout lorsque l’éducation des enfants s’avère difficile) et que prendre soin d’elles soit une priorité. J’encourage les femmes à considérer quelles sont les personnes et les activités qui leur apportent de la joie. Peut-être est-ce le sport, la musique, une carrière, la cuisine, l’écriture, ou un autre passe-temps qui vous apporte de la joie. Même si tous les parents se sacrifient pour leurs enfants, il est important que vous continuiez à utiliser de votre temps et de votre énergie à vos intérêts personnels !

Une bonne mère trouvera toujours une activité pour son enfant (la stimulation)

En travaillant en psychothérapie avec des femmes Saintes des Derniers Jours, j’ai remarqué que beaucoup de mères ont l’air de croire qu’elles doivent constamment stimuler leurs enfants. Réfléchissez à tous les livres, les jouets, les puzzles et les jeux dans lesquels nous investissons pour garder nos jeunes enfants engagés et pour qu’ils apprennent.

Depuis des milliers d’années, les enfants ont survécu sans cartes de support visuel, sans vidéos éducationnelles, sans activités extra-scolaire et sans leçons de natation. A travers l’histoire, les jeunes ont travaillé aux côtés de leur parents et ont tenu un rôle productif dans la vie familiale. Ce n’est que depuis le siècle dernier que les parents (et en particulier les mamans) ont cru que leur tâche était de donner plus aux enfants, de les inscrire sur la liste d’attente de la maternelle et à des compétitions de foot à 3 ans. Approcherions-nous le rôle de parents avec peur ? Craignons-nous que si nos enfants ne sont pas inscrits dans les clubs d’été et si nous ne leur achetons pas les jouets dernier cri qu’ils s’ennuieront, ne se développeront pas et seront en retard par rapport à leurs camarades ?

Vous seriez surpris d’apprendre que de nos jours, les mères passent plus de temps avec leurs enfants que celles des années 1960. Méditons sur la pression que nous nous mettons en fournissant constamment des opportunités de développement et d’enrichissement. Dans un monde où la routine règne, les enfants ont besoin de moments sans structures pour jouer et développer leurs talents sociaux, utiliser leur imagination et exprimer leur créativité.  

Etre parents est le travail le plus difficile (le challenge)

Il y a deux ans, une vidéo intitulée « Le travail le plus difficile au monde » a été publiée sur Youtube. En parlant à des candidats, un homme, se faisant passé pour l’employeur, donne une description du « travail » dans lequel le candidat idéal doit avoir de l’endurance, la capacité de supporter le chaos, des heures de travail illimitées et cela sans aucune pause. Il décrit bien évidemment le rôle de maman. A la fin, chaque candidat finit par rire (ou pleurer). La vidéo a été visionnée plus de 26 millions de fois, bien évidemment, elle a touché beaucoup de personnes.

Bien que je comprenne l’intention de la vidéo (être maman, c’est difficile et les parents méritent beaucoup de respect et d’appréciation), je pense que malheureusement, cela s’ajoute à la rhétorique de « la maman martyr. » La croyance qu’être parents est « le travail le plus difficile » ajoute sur l’épaule des mères un fardeau, elles ressentent encore plus de pression et cela peut créer un effet Pygmalion. Quand nous croyons que quelque chose est difficile, la tâche nous apparait encore plus difficile. Est-il possible qu’en caractérisant une chose de « plus difficile » et d’« éprouvant », nous avons l’impression de participer à quelque chose d’important ? Souvenez-vous qu’en définissant un travail par « le plus difficile », cela ne le rend pas plus important.

De plus, comment savoir si être maman est « le travail le plus difficile au monde ? » Qu’utilisons-nous pour le mesurer ? Je suis passée par différents emplois, mais je n’ai pas non plus travaillé dans tous les domaines et je ne je dirais pas qu’être mère au foyer est le travail le plus difficile. J’ai déjà écrit un article sur les mères au foyer et j’ai souligné qu’au lieu de voir la mère au foyer comme un rôle ou un « travail », il serait sage de le voir sous la lumière d’une relation. Une approche plus honnête serait de reconnaître les difficultés et les joies d’être parents, de prendre conscience des sacrifices sans les décrire comme la fin de notre sommeil et de notre équilibre mental. J’aimerai aussi parler de quelques moyens que nous pouvons utiliser lorsqu’être parents devient particulièrement difficile.

Les besoins de l’enfant passent toujours avant les vôtres (tout tourne autour de l’enfant)

Bien que les sacrifices fassent partie du rôle de mère (et de tous les parents et ceux qui s’occupent des enfants), les mères qui négligent fréquemment leurs besoins finissent par être épuisées et aigries. La narration de l’Eglise de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours parle de l’importance du sacrifice, en particulier pour les mères et cela augmente la pression et vous pousse à penser que votre vie tourne autour de celle de votre enfant. Ce n’est que depuis le mouvement du développement de l’enfant commencé dans les années 1950 que les familles ont commencé à être centrées sur l’enfant. Dans le temps, les enfants s’adaptaient à la vie des adultes. Sommes-nous passé à un autre extrême ?

Dans ma clinique, j’ai travaillé avec beaucoup de femmes Saintes des Derniers Jours qui se sentent coupables de passer du temps sans leurs enfants ou de s’acheter quelque chose qu’elle désire. Chaque femme doit trouver un équilibre entre ses besoins et ceux de ses enfants, car le fait de se négliger n’est pas une bonne stratégie sur le long-terme pour trouver le bonheur. Si vous ne prenez pas soin de vous, vous finirez par vous attendre à ce que vos enfants pourvoient à tous vos besoins.

En tant que membres unis dans l’Evangile, nous devons examiner nos croyances et nos pratiques sur le rôle de la mère de façon à élever nos enfants tout en préservant la santé mentale des femmes.

Dans les discussions parentales, incluez les pères et souvenez-vous que la présence des pères est tout aussi importante dans la vie des enfants. Nous devons donner à nos enfants du temps libre pour qu’ils jouent et explorent et ne pas laisser notre vie et notre épanouissement reposer continuellement sur eux. Ainsi, nous pourrons mieux souligner l’aspect relationnel du rôle de parents et nous aiderons nos enfants à se sentir aimés et chéris en leur montrant l’exemple en prenant soin de nous-mêmes.


article écrit par Julie Azevedo Hanks pour the Meridian Magazine et traduit par Léa.