La prêtrise aide les hommes à reconnaître leurs émotions

Quand j’étais enfant, j’avais le don de comprendre les sujets intellectuels et scientifiques. Ou du moins, c’est ce que je pensais. J’étais fasciné par la nature, la biologie, l’informatique, la technologie, l’astronomie, la chimie, la géologie et bien plus encore.

Ces sujets me fascinent toujours, mais mon intérêt pour d’autres domaines s’est développé. Depuis, j’ai appris à aimer l’histoire, la psychologie, la sociologie, l’anthropologie et bien plus encore.

Je voyais aussi les émotions comme un fardeau pour les êtres humains,  comme des sentiments qui compliquaient nos pensées, qui nous empêchaient de prendre les bonnes décisions.

Malgré tout, j’ai été élevé dans un foyer où j’ai appris que pour suivre le Saint-Esprit, je devais utiliser mes sentiments et mes émotions. On m’a enseigné que je devais « l’étudier dans mon esprit » et ensuite prendre une décision finale basé sur ce que je « ressentais. »

L’enfance : A la découverte des émotions

Il était facile de reconnaitre et d’écouter mes émotions positives, mais je n’ai jamais vraiment reçu de conseils pour apprendre à gérer mes émotions négatives : l’ennui, la solitude, la colère, la peur, le stress, la fatigue, la tristesse. On m’avait dit de lire les Ecritures, d’aller à l’Eglise, de parler à mes parents et d’aider les autres. Ce sont là de bonnes choses, mais le conseil restait insuffisant et j’ai souvent continué à ne pas reconnaître ces émotions.

Pour tous ceux qui ont vu le dessin animé « Vice-Versa » de Pixar, comme le personnage principal, j’ai parfois ressenti la pression de constamment être positif et heureux. C’était assez facile pour moi de le faire, et mes parents ou des inconnus me faisaient souvent le compliment que je souriais tout le temps. J’étais naïvement confiant que je contrôlais mes émotions et il m’arrivait de rabaisser ou de me moquer  sans réserve de ceux qui ne parvenaient pas à faire de même.

Je me rappelle qu’un soir mon petit frère me disait « Tu m’énerves » et je lui ai répondu : « Non, je ne peux pas te forcer à faire quoi que ce soit. Si tu es énervé, c’est de ta faute. » Il était furieux et j’étais tout fier de ne pas le forcer à être énervé et qu’en retour je ne ressentais pas de colère.

Steffen, je suis vraiment désolé.

Emotion et action

Nos actions sont souvent dictées par nos émotions.

Il y a une part de vérité dans ce que j’ai dit ce soir-là, mais mes actions n’ont pas aidé. Je ne l’ai pas mis en colère, mais j’y ai certainement contribué, et pas qu’un peu.

Dans la vie, nous faisons souvent pareil, nous influençons les sentiments des autres par nos actions. Cela va dans les deux sens. Nous pouvons les aider à se sentir bien ou à être triste. Nous ne les forçons pas à ressentir ces choses, mais nous pouvons pour sûr rendre les choses plus faciles ou plus difficiles pour eux pour les aider à gérer leurs émotions de façon constructive. Bien que mes actions soient liées à mes émotions et que j’en suis responsable, j’ai appris à ne pas tenir compte de l’effet que les autres ont sur moi, et maintenant je dois apprendre à gérer les conséquences des actions d’autrui.

Les émotions sont des outils précieux. Elles nous poussent dans la direction que nous choisissons (ou que nous ne choisissons pas !) Une émotion est une réponse de notre cerveau déclenchée par un souvenir, une pensée ou une action. Ces émotions entrainent une réaction dans des parties de notre cerveau qui normalement ne seraient pas utilisées quand nous pensons ou réfléchissons.

Imaginez que nos pensées soient le volant d’une voiture, nos émotions en sont le moteur. Notre cerveau réfléchit énormément et la plupart du temps, nous ne nous en rendons pas compte. Il calcule, déduit et décide bien avant que nous ne nous en rendions compte. La plupart de ces réactions sont à l’origine des émotions dans notre subconscient, déclenchées par quelque chose que nous avons vécu il y a une heure, ce matin-là, ou la semaine précédente. Les effets durent longtemps et sont omniprésents.

Je suis moi-même passé par des moments difficiles pour en arriver là. Il y a une époque où je me sentais seul, très seul, c’était comme si ma vie tombait en lambeaux et je voulais que ça s’arrête. J’ai été voir un thérapeute, j’ai trouvé un groupe de soutien, je me suis beaucoup reposé sur la prière et j’ai réservé des moments pour être au calme et réfléchir. Ma famille était à 600 kilomètres et mon téléphone portable était ma ligne de survie pour ceux qui se souciaient de moi.

Ils m’ont énormément aidé. Ils ont pris à cœur le conseil donné dans Mosiah 18 :8-10, que ceux qui s’engagent à vivre les enseignements de Jésus-Christ devront être disposés à « pleurer avec ceux qui pleurent » et « à consoler ceux qui ont besoin de consolation. » Ou comme Paul l’enseigne, de « Réjouissez-vous avec ceux qui se réjouissent, et pleurer avec ceux qui pleurent » (Romains, 12 :15)

La sympathie vs. l’empathie

Nos difficultés personnelles nous aident à avoir de l’empathie pour ceux qui passent par des épreuves

L’empathie dont a fait preuve ma famille et quelques amis proches, ainsi que certains collègues et même des inconnus, a été pour moi un éveil personnel. On m’avait déjà enseigné l’empathie, mais je ne comprenais pas vraiment ce que c’était. Dans notre société, le mot « sympathie » a une connotation négative, et il est souvent remplacé par le mot « empathie. »

La sympathie illustre la pensée : « je suis désolé pour ce qu’il t’est arrivé. » L’empathie se traduira par : « je ne comprends sans doute pas ce par quoi tu traverses, mais je peux comprendre tes sentiments. » La sympathie peut avoir une tendance égoïste, de pitié envers soi, et de manipulation émotionnelle (si les autres se sentent mal pour moi, ils feront quelque chose pour moi), alors que l’empathie préserve la responsabilité de chacun mais créée une unité entre les personnes qui partagent les mêmes sentiments.

Cela me fait penser à la définition de Sion trouvé dans le livre de Moise au chapitre 7 verset 18 :

« Et le Seigneur appela son peuple Sion, car il était d’un seul cœur et d’un seul esprit et il n’y avait pas de pauvres en son sein. »

Sion ne se réalisera que si le peuple se réjouit les uns avec les autres et pleurent avec ceux qui pleurent. Imaginez ce que ce serait. Si mon voisin trouve le succès, qu’il améliore sa position, son confort, son statut social. Je ne serai pas jaloux, je serai heureux pour lui !

Si mon ami perd l’usage d’une partie de son corps qui était en bonne santé, je ne me dirai pas, « bon, ben il n’a pas fait attention et a pris de gros risques, ça lui apprendra ! » Je me tiendrai à ses côtés et je l’aiderai à surmonter ce qui vient de se passer et à l’accepter. S’il a vraiment perdu la santé à cause d’un mauvais choix, il va sûrement s’en rendre compte et cela grâce au soutien et la sécurité que l’empathie apporte. Lorsque nous nous sentons soutenus et en sécurité, nous parvenons à penser clairement.

Dieu nous conseille de développer l’empathie

Le roi Benjamin a décrit dans son discours « et vous-mêmes, vos porterez secours à ceux qui ont besoin de votre secours … peut-être diras-tu : L’homme s’est attiré sa misère ; c’est pourquoi je retiendrai ma main, et ne lui donnerai pas ma nourriture, ni ne lui accorderai de mes biens pour qu’il ne souffre pas, car ses châtiments sont justes. Mais je te dis, ô homme, quiconque fait cela a grand sujet de se repentir » (Mosiah 4 :16-18)

Nous devons reconnaitre les sentiments d’autrui et faire ce que nous pouvons pour les aider. En reconnaissant leurs sentiments, nous aurons un seul cœur ET un seul esprit. Nous serons parmi des individus avec des origines, des dons, et des expériences différents, unis dans un but commun. Nous formerons un groupe qui grandira.

Alors qu’est-ce que cela à voir avec le sujet des hommes et de la prêtrise ? En tant qu’homme, c’est un mélange de biologie, de culture, d’éducation et de pression de groupe qui nous empêchent d’exprimer nos émotions. Quand nous n’exprimons pas nos émotions, nous arrêtons de les remarquer. Quand nous ignorons nos émotions, ne leur donnons pas de nom, nous les laissons faire ce qu’elles veulent.

C’est seulement lorsqu’une émotion fait surface que nous nous en occupons enfin, mais à ce moment-là, Il est déjà trop tard. Elle se manifeste par une crise de colère, de frustration. Elle peut se montrer dans un passe-temps inutile, dans une addiction. Elle nous entraine à nous détacher des autres, en prenant des distances avec ceux que l’on aime, elle se montre dans le péché.

Ma femme et moi et d’autres membres de la famille avons travaillé dur avec mon fils pour lui enseigner comment reconnaître ses émotions. Il a participé à un cours pendant l’été qui se centrait sur le sujet. Sa classe ne comprenait quasiment que des garçons. Ils ont fait des exercices pour apprendre à reconnaitre, à décrire et à apprendre ce que chaque émotion entraine. Je pense que ça a aidé. Quand il voit quelque chose qui fait peur, il n’essaie pas de le dédramatiser pour paraitre fort ou être un dur à cuire, nous en parlons. « Ce que tu viens de voir fait peur. Et tu as besoin de le reconnaitre ou ton cerveau va arrêter de te dire ce qui fait peur ou non et il fonctionnera sans toi. » Pour être maître de son corps, il a besoin de reconnaître ses sentiments.

Beaucoup d’hommes se trouvent dans la même situation. Beaucoup de femmes aussi, mais ça n’a pas l’air d’être aussi répandu. Peut-être que c’est juste un problème de la nature humaine, mais la plupart des hommes sont comme ça. Peut-être que c’est un défi placé dans notre « système » et qui fait partie du plan du salut créé par un Dieu qui nous aime et qui a créé ce lieu pour que nous apprenions et progressions.

La prêtrise et l’empathie

L’Eglise et la prêtrise sont des moyens presque parfaits pour nous aider avec ce défi. Elles nous tournent vers la vie des autres, pas seulement celles de notre femme et de nos enfants, mais aussi de nos voisins, des membres de notre paroisse, et même d’inconnus. Elles nous mettent en position de servir autrui, d’écouter les autres, d’apprendre à les connaître, de les servir et de temps en temps les conseiller, mais surtout, de trouver des façons de les aider. Elles nous encouragent à donner, à dépenser de l’énergie, à aimer, à travailler pour autrui sans penser à recevoir de récompense.

Pour ceux qui disent que magnifier la prêtrise est égoïste parce que cela nous mène à la vie éternelle et au Salut, je vous répondrai que les menaces des flammes de l’enfer ou de la damnation n’ont jamais encouragé les hommes à faire leurs visites aux foyers. Ceux qui font leur visites au foyer fidèlement et régulièrement ne le font pas pour des raisons égoïstes. Ils le font par amour pour leur prochain. L’éternité est trop éloignée et les visites au foyer sont un acte trop « petit » pour être une motivation constante.

Ce serait bien de penser que l’intellect peut fonctionner seul sans les complications des émotions, mais il ne peut pas. Il est lié à nos émotions. Si la tristesse, la peur ou la colère sont ce qui se trouvent sous la surface, nos intellects auront tendance à être cynique et à ne pas faire confiance aux autres. Quand l’amour et la joie sont ce sur quoi notre esprit se concentre, nous mettons plus l’accent sur l’espoir, la coopération et la gratitude. La plupart d’entre nous sont un mélange des deux.

Avez-vous déjà entendu parler de l’histoire des deux loups en chacun de nous ? L’un est rempli de peur et de doutes, l’autre est plein d’espoir et d’amour. Lequel des deux vaincra ? Celui que nous nourrissons. La majorité d’entre nous nourrissent les deux.

Nos émotions guideront nos pensées, ce qui guidera ensuite nos actions, peu importe les vérités du monde. Ce sur quoi nous nous concentrons détermine la direction que nous prenons, peu importe que ce soit la vérité ou la réalité.

Je me rappelle d’un incident dans un parc où beaucoup de personnes faisaient de la luge.  En bas d’une des collines se trouvait un poteau et la plupart des gens passaient juste à côté. Deux garçons ont entamé la descente de la colline dans une luge dirigeable, celui qui dirigeait n’arrivait pas à détourner son regard du poteau et plusieurs personnes les ont regardé se diriger droit dessus.

Maintenant, avec cela en tête, réfléchissez à ce qui se passe dans notre esprit, avec  nos émotions et nos actions quand nous nous concentrons sur un Dieu parfait qui nous aime inconditionnellement, une prêtrise qui attend de nous que nous servions, et une sainte-cène hebdomadaire qui nous indique la direction vers un Sauveur miséricordieux. Est-ce que vous pensez que nos émotions, notre intellect et nos actions commenceront à s’aligner et à s’harmoniser avec ces pensées ? Absolument.

C’est pour cela, même si une personne ne croit pas en un Sauveur littéral, la pensée et l’espoir qu’il en existe peut-être un amène un changement positif dans leur vie.

Je sais qu’il y a un Sauveur. J’ai ressenti sa présence de façon indéniables et j’ai vu sa main agir dans ma vie de façon évidente, même lorsque je ne la recherchais pas.


Cet article a été écrit par Christian Lassen, publié sur mormonhub et traduit par Léa. Publié la première fois en octobre 2016.