Dans une discussion en ligne à propos de mon article “30 questions qui n’ont jamais été posées à mon mari” [ndT: en anglais], j’ai décelé un thème récurrent dans la plupart des commentaires:
la phrase “vous faites le choix d’être offensé ” (ou autres variations du même genre), émergeait ça et là, encore et encore, en réponse à l’article. J’ai trouvé cela fascinant, parce que je n’était pas personnellement offensée par ces questions; Je suis cependant très curieuse à propos des sous entendus liés aux différentes hypothèses, je suis soucieuse de l’impact de nos perceptions non vérifiées, et je crois que nous pourrions, en tant qu’individu, bénéficier grandement de plus d’introspection personnelle, de remise en question, et de dialogues réfléchis.
Voici quelques exemples de commentaires en provenance de forum publiques, qui illustrent bien le thème “vous faites le choix de vous offenser”:
Qu’est ce que les dirigeants de l’Eglise ont dit à propos de choisir d’être offensé ? Il y a une anecdote mormone qui circule selon laquelle Brigham Young aurait dit que ceux qui s’offensent sont des imbéciles, que l’offense ait été voulue ou non ( Le pardon : La forme ultime de l’amour , par Elder Marion D. Hanks, Ensign de Janvier 1974) [NdT : en anglais]. Et bien sûr, le discours très documenté (et plus axé sur la doctrine) sur le sujet par Elder David A. Bednar, qui a déclaré
“C’est nous qui choisissons de nous offenser de quelque chose ; il ne s’agit pas d’une situation qui nous est infligée ou imposée par quelqu’un ou quelque chose d’autre.” (Et rien ne les offensera, conférence générale octobre 2006).
Je crois de tout mon cœur que nous sommes ultimement responsables de nos propres émotions, perceptions, expériences, et offenses. Cependant, je pense que c’est important de faire la distinction entre prendre la responsabilité de nos propres sentiments, et prendre sur nous le droit de pointer les autres du doigt lorsqu’ils prennent ou ne prennent pas la responsabilité de leur expériences (par exemple : lorsque, selon nous, quelqu’un fait le choix d’être offensé).
Il semblerait que trop souvent la carte “choisir d’être offensé” est utilisée pour juger quelqu’un, invalider son expérience, pour qu’il ait honte, ou pour le châtier, et peut être même pour arrêter efficacement toute discussion. Cette carte peut aussi être utilisée comme bouclier, pour éviter d’avoir à se remettre en question et se demander si notre comportement peut effectivement être offensant, et si nous devrions faire amende honorable. Elle peut être utilisée comme arme de jugement ou minimiser l’expérience de quelqu’un d’autre. Voici quelques idées à prendre en compte dans l’effort d’élargir notre façon de penser à propos de cette phrase importante:
“Vous faites le choix de vous offenser” est un conseil qui doit uniquement s’appliquer à nous, et non aux autres.
Notre tendance à utiliser un conseil, des citations de nos dirigeants ou des commandements comme un outil de comparaison pour juger les autres, au lieu de les mettre en pratique pour nous même.
Tout comme les standards de pudeur sont conçus pour être mis en pratique par nous même, sur nous même et ceux dont nous avons l’intendance, ce n’est aussi pas notre boulot de juger qui devrait ou ne devrait pas se sentir offensé par une situation donnée. Cela mène parfois à un comportement pharisaïque visant à minimiser l’expérience des autres.
Peut être que dans des situations très spécifiques, un ami proche ou un confident peut gentiment nous faire savoir si nous nous montrons trop sensible, mais ce genre de conseil ne sera certainement pas bien reçu ou assimilé par un inconnu sur internet, écrivant un commentaire sur un mur de discussion. Faisons en sorte d’évaluer notre propre droiture au lieu de dénoncer les faiblesses des autres (qu’elles soient réelles ou perçues).
“Vous faites le choix d’être offensé” n’est pas une excuse pour notre comportement blessant ou insensible
Si quelqu’un est offensé ou blessé par vos paroles ou votre comportement, il est facile de détourner sa responsabilité en lui collant une étiquette de personne trop sensible. Lorsqu’elle est utilisée comme un bouclier, pour éviter de prendre conscience du problème, sortir la phrase “vous faites le choix d’être offensé” vous vole de l’opportunité de prendre votre place dans votre relation. Personne ne veut penser qu’il ou elle est blessant ou participe à la souffrance d’un autre, mais la vérité est que nous le faisons tous. Pourquoi ne pas volontairement nous remettre en question et découvrir quels sont nos angles morts individuels et culturels, au lieu de prétendre que nous n’en avons pas ?
Toutes les relations sont circulaires, et les deux personnes contribuent à la dynamique. Il est de notre responsabilité de méditer à notre propre contribution à la dynamique de la relation. Dire à quelqu’un qu’il ou elle a choisi d’être offensé ou est trop sensible, est une façon détournée d’arrêter une conversation, afin d’éviter toute responsabilité.
Parfois “faire le choix d’être offensé” est une réponse appropriée et saine
Lorsque nous utilisons la phrase “vous faites le choix d’être offensé”, il y a souvent une supposition implicite (ou explicite) qu’être offensé est une mauvaise chose. Il y a des situations pour lesquelles une réponse appropriée, et même saine, est d’être offensé profondément, par quelque chose ou quelqu’un. Des comportements abusifs, des comportements manipulateurs, des commentaires irrespectueux ou rabaissant sont quelques uns des exemples pour lesquels se sentir en colère, avoir du ressentiment, et être contrarié est une réponse saine. Dans ma pratique clinique, J’ai vu beaucoup de Saints des Derniers Jours dissimuler, minimiser ou ignorer certains comportements offensants, dans l’effort de “pardonner“ (ou sembler pardonner), afin d’éviter le conflit, ainsi que pour une multitude d’autres raisons.
Je me souviens avoir travaillé avec une cliente qui avait été abusée par un voisin (également membre de la paroisse) lorsqu’elle avait neuf ans. Elle avait finalement parlé de ce qui s’était passé à ses parents quelques années après que cela se soit produit. Ils lui ont dit que ce qui s’était passé était mal, et lui ont ordonné de ne plus retourner dans la maison de ce voisin. “Cela n’a pas eu l’air de les contrarier.” Ma cliente voulait que ses parents soient offensés, qu’ils soient horrifiés par l’abus qui s’était produit. Parce qu’ils n’ont pas montré de fortes émotions négatives, et n’ont pas pris de mesures additionnelles (comme rapporter l’abus aux autorités, parler aux voisins, en discuter avec les dirigeants de l’église, etc.), ma cliente a vécut dans un sentiment de solitude, et croyait que ce qu’il s’était passé n’était pas si important pour ses parents.
L’utilisation incorrect de la phrase “Vous faites le choix d’être offensé” peut créer des distances au lieu de créer des connections, dans vos familles, paroisses, et communautés. Cela peut nous empêcher de recevoir des informations importantes sur nous même lorsque nous l’utilisons pour décliner nos responsabilités. Cela peut être utilisé pour minimiser la souffrance de quelqu’un d’autre. Lorsque nous devenons conscient que quelqu’un a été offensé par quelque chose que nous avons dit ou fait, au lieu des les étiqueter comme étant “facilement offensés”, il serait sage de nous poser d’abord ces questions :
- Quelle a été ma contribution à l’évènement qui les a fait se sentir offensés ?
- Aie-je été insensible ou manipulateur sans m’en rendre compte?
- Est-ce que c’est quelque chose qui arrive fréquemment dans ma relation, et qui serait bénéfique pour moi d’explorer pour mieux comprendre?
- Que puis-je apprendre de cette interaction qui m’aidera à être plus sensible, plein de compassion, et plus comme le Christ?
Cet article a été initialement écrit par Julie de Azevedo Hanks et publié sur ldsmag.com . Cet article a été traduit par David GEORGES.