La sexualité et la chasteté sont des sujets sensibles, et le Livre de Mormon ne donne que très peu d’indications sur la façon dont les peuples du Livre de Mormon les comprenaient. Vous pouvez vous référer au sermon de Jacob disant que « beaucoup de cœurs sont morts, percés de blessures profondes » en raison de l’iniquité et de la méchanceté (Jacob 2 :35), ou au discours d’Alma avec son fils Corianton parlant d’abandonner une mission pour suivre « la prostituée Isabel » (Alma 39 :3), ou bien la violence terrible décrite dans Moroni 9 :9.

9  Et malgré cette grande abomination des Lamanites, elle ne dépasse pas celle de notre peuple à Moriantum. Car voici, ils ont fait prisonnières beaucoup de filles des Lamanites ; et après leur avoir ravi ce qu’elles avaient de plus cher et de plus précieux, la chasteté et la vertu —

10  et après avoir fait cela, ils les ont assassinées d’une manière extrêmement cruelle, torturant leur corps jusqu’à la mort […]

Attention à l’usage de Moroni 9:9 pour parler de la vertu!

Parce que Moroni 9:9 parle de “chasteté et vertu” comme étant ce qu’il y a de « plus cher et de plus précieux », ce passage est souvent utilisé pour enseigner sur la chasteté, que nous comprenons être le fait de n’avoir des relations sexuelles que dans le cadre du mariage. Mais l’utilisation des mots « chasteté » et « vertu » ensemble dans le verset laisse la place à la confusion. Les Saints des Derniers Jours utilisent souvent ces mots comme synonymes l’un de l’autre.

Le manuel du Progrès Personnel définie la vertu comme étant « un ensemble de pensées et d’attitudes fondées sur des principes moraux supérieurs », ajoutant que cela « inclue la chasteté et la pureté ». Le manuel aborde la vertu en tant que catégorie plus large intégrant la chasteté, et pourtant, la chasteté est la seule vertu mentionnée spécifiquement. L’intégrité, une autre vertu, possède son propre paragraphe, tout comme la foi, mentionnée au même moment que l’espoir, la charité, la prudence, la justice, le courage et la tempérance dans les listes des vertus composées par des chrétiens à travers les siècles.  

Alors que “vertu” dans le discours Mormon veut généralement dire “chasteté”, ou, plus spécifiquement “pureté sexuelle”, les écritures nous aident à élargir notre vision. Dans l’Ancien Testament, la vertu signifie généralement « la force » ou « la puissance », comme dans Proverbes 31 :10 : « Qui peut trouver une femme vertueuse ? Elle a bien plus de valeur que les perles. » Ce verset est souvent utilisé en conjonction avec Moroni 9 :9, mais dans Proverbes, « vertueuse » vient de l’Hébreux « chavil », qui indique une force ou une capacité plutôt que le fait de s’abstenir de pratiquer une activité sexuelle illégale. De la même façon, dans les trois passages des évangiles du Nouveau Testament, lorsque Jésus parle de la vertu (en anglais) qui sort de lui (Marc 5 :30 ; Luke 6 ; 8 :46), le mot « vertu » vient du grecque « dynamis », qui indique le pouvoir et l’énergie (comme dans le mot « dynamite ») plutôt que la chasteté et la pureté sexuelle.

la chasteté n'est pas la pureté sexuelle: c'est une vertu liée à la foi et à la volonté

Jésus a ressenti un peu de sa vertu, de sa force divine, sortir de lui et guérir la femme de foi qui était malade depuis des années.

La vertu et la chasteté de quelqu’un: une agression sexuelle ne peut les “enlever”

Une partie de la confusion aujourd’hui vient du fait que nous avons tendance à penser à l’abstinence sexuelle avant le mariage et à la pureté en termes absolus : soit une personne pratique l’abstinence avant le mariage, soit elle ne le fait pas. Elle est pure ou ne l’est pas. Malheureusement, cette incompréhension ne prend pas entièrement en compte les enseignements clés de l’Eglise sur le libre arbitre de manière adéquate (voir 2 Néphi 2, par exemple). Les gens qui subissent des violences ou sévices sexuels ont une expérience de la sexualité différente de ceux qui sont « abstinents » ou « pures », et pourtant, parce qu’ils n’ont pas choisi ces expériences, ils ne peuvent pas en être rendu responsables. Ces cas particuliers montrent que la norme en matière de pureté n’est pas adéquate pour comprendre la relation entre chasteté et libre arbitre.

L’usage scripturaire du mot “vertu” signifiant “force”, suggère que nous pourrions l’utiliser pour nous référer à l’utilisation correcte du libre arbitre pour guider notre attitude plutôt que de le comprendre essentiellement comme une référence à la chasteté, ou, en lien avec la pureté, la virginité. Par conséquent, utiliser Moroni 9 :9 pour enseigner la chasteté et la vertu est un problème, car le verset insinue qu’elles peuvent être ôtées de manière passive d’une personne, décrivant comment le peuple de Moriantum, après avoir fait prisonnières les filles des Lamanites, leur ont « ravi ce qu’elles avaient de plus cher et de plus précieux, la chasteté et la vertu. » Ces femmes Lamanites n’ont pas choisi de prendre part dans la dépravation de leurs ravisseurs, ce qui veut dire que, en revenant sur les enseignements de l’Eglise sur le libre arbitre, nous ne devrions pas les considérer comme non chastes ou non vertueuses. La violence peut entraver le libre arbitre, et en même temps la possibilité de devenir vertueux. Mais les gens ne peuvent devenir non vertueux que par leurs propres choix.

Un exemple tiré de l’histoire Romaine montre pourquoi le fait de comprendre la vertu en tant que “force” nécessite que l’on mette l’accent sur le libre arbitre. Le mot « vertu » vient du mot latin pour « homme » (dans le sens du genre masculin, pas du terme générique pour l’humain). Ce concept de la vertu en tant que force signifiait que les Romains comprenaient la chasteté dans le sens de l’impénétrabilité : si quelqu’un pénétrait votre système de défense, vous n’étiez pas vraiment vertueux, et pas vraiment un homme.  

Alors, que signifie pour une femme spécifiquement d’avoir de la vertu ? Prenez l’histoire de Lucrèce, racontée dans l’histoire de Rome par Tite Live. Au moment de l’histoire, Rome était gouvernée par le roi Tarquin. Le fils du roi, Sextus, vit Lucrèce (qui était mariée à Collatinus) et décida de la violer. Il entra dans sa maison et dans sa chambre au milieu de la nuit. Elle lui résista jusqu’à ce qu’il, en tirant son épée, menaça de la tuer ainsi qu’un esclave, et de les laisser dans le lit ensemble, pour les faire passer pour des « adultères de la pire espèce ». A ce moment, le désir de Sextus a prévalu sur la chasteté de Lucrèce. En violant Lucrèce, Sextus l’a privée de sa prétention à la vertu (dans le sens de la force et de la chasteté) selon leur culture. A cause de cela, le matin suivant elle s’est tuée, bien que son époux et sa famille aient admis que ce n’était pas de sa faute. Son suicide à fait d’elle l’exemple par excellence de l’état d’esprit selon lequel la mort est préférable à la perte de la chasteté. Cet état d’esprit n’est pas unique à la culture Romaine : on a trouvé des expressions de cette idée jusqu’à la fin du vingtième siècle dans les discours de l’Eglise, bien qu’ils soient heureusement devenus rares aujourd’hui, et elles prévalent encore dans plusieurs cultures.

la chasteté n'est pas la même chose que la "pureté sexuelle"

La plupart des gens aujourd’hui reconnaissent l’injustice du suicide de Lucrèce. Ce n’était pas de sa faute. Mais lorsque nous traitons la chasteté et la vertu comme des choses pouvant être ôtées, que ce soit par la ruse ou par la force, nous risquons d’adopter l’état d’esprit injuste qui a conduit à sa mort. Les écritures des Saints des Derniers Jours parlent d’une « domination injuste », suggérant que les gens utilisent souvent le pouvoir de façon à mettre en péril le libre arbitre des autres (voir Doctrine et Alliances 121), mais les gens dont le libre arbitre est mis en péril ne perdent pas leur vertu pour autant. Quand Mormon a écrit sur l’expérience des filles des Lamanites dans Moroni 9, il semble qu’il voulait juste condamner les choses terribles qui s’étaient passées. Ecrivant avec un état d’esprit de l’époque, il s’est focalisé sur les effets négatifs du libre arbitre masculin, et pas sur le libre arbitre féminin. Mais lorsqu’on interprète ce verset aujourd’hui comme un avertissement pour la chasteté féminine, nous pointons injustement du doigt les femmes à cause des actions des hommes. Nous ne reconnaissons et n’honorons pas le plein accès des femmes au libre arbitre si cher à la théologie mormone. Nous supposons injustement que les victimes de sévices, pour le seul fait d’avoir été agressées, perdent leur chasteté, et nous risquons de les priver de leur vertu (comprenons de leur libre arbitre) en insinuant qu’elles ont dû être consentantes en quelques sorte, soit en s’habillant d’une certaine façon, en restant dehors passé le couvre-feu, ou simplement en s’étant faites agressées en premier lieu.

Cet état d’esprit peut suggérer aux victimes ainsi qu’a leurs dirigeants de l’Eglise un besoin de confession et de repentance, alors que la situation nécessite davantage de rassurer la victime sur le fait qu’elle n’a pas péché, ainsi que le travail délicat consistant à trouver la guérison à travers l’amour du Sauveur. Si ce travail de guérison est notre but, nous nous abstiendrons d’utiliser Moroni 9 :9 pour parler de la chasteté des femmes. A la place, nous pouvons l’utiliser pour condamner les drames de la violence sexuelle dans toutes ses formes tout en appuyant sur le fait que la charité et la vertu ne peuvent pas être séparées des enseignements de l’Eglise concernant le libre arbitre.

 


Article écrit par Jason A. Kerr et publié sur ldsliving.com sour le titre One Book of Mormon Scripture to avoid when teaching about chastity and virtue.  Traduit par Samuel Babin. ©2017 LDS Living, A Division of Deseret Book Company | English ©2017 LDS Living, A Division of Deseret Book Company